par Laurent Lagneau
Le principe d’un radar [RAdio Detection And Ranging] est relativement simple : on émet des ondes électro-magnétiques [OEM] dans une direction. Quand elles rencontrent un obstacle, elles rebondissent et reviennent vers l’instrument qui, grâce à sa fonction télémétrie [Ranging], en déduit la présence d’un objet et la distance à laquelle il se trouve.
Pour qu’un avion puisse échapper à de tels systèmes de détection, il suffit de réduire sa Surface Équivalente Radar [SER], qui dépend de sa taille, de sa forme et des matériaux qui le composent [et que le recouvrent], ces derniers pouvant absorber les ondes électromagnétiques émises par un radar. Jusqu’à présent, les chasseurs-bombardiers dits « furtifs » ont recours à ces deux procédés pour rester discrets.
Mais un troisième fait actuellement l’objet de recherches au sein du Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives [CEA], en partenariat avec l’Institut Fresnel de Marseille et la Direction générale de l’armement [DGA]. Ce projet est conduit par Geoffroy Klotz, un ingénieur diplômé de l’École Centrale de Lille et ancien doctorant DGA/CEA.
Ces recherches reposent sur l’optique de transformation qui, avance l’Agence de l’Innovation de Défense [AID], permet « d’envisager la réalisation de dispositifs d’invisibilité, qui étaient il y a peu encore de la pure fiction. » Et cela grâce à des méta-matériaux, dont les propriétés rendent possible la manipulation des ondes électro-magnétiques pour qu’elles contournent un objet sans être perturbées.
« Il s’agit de mimer un espace déformé à l’aide de revêtements présentant des propriétés électromagnétiques spécifiques. En faisant croire aux rayons électromagnétiques que l’espace se courbe dans le revêtement entourant un objet, celui-ci agit comme une cape d’invisibilité. Les ondes émises par les radars sont alors piégées, contournent la cible, empêchant le rayonnement d’atteindre la cible », explique l’AID.
Cependant, pour concevoir un « revêtement d’invisibilité », il faut empiler des couches composées d’un matériau et d’un méta-matériau afin de pouvoir disposer de l’effet recherché. « C’est le comportement collectif de ces couches dans ce mode de structuration précis qui permet de rendre un objet invisible », précise l’AID. En outre, poursuit-elle, dans certaines de ces couches, « l’utilisation de méta-matériaux composés de petites structures semblables à des circuits imprimés sont nécessaires », afin d’accélérer la vitesse de propagation des ondes. « Les travaux ont donc abordés la manière dont ces structures doivent être conçues et intégrées dans les revêtements multicouches pour contribuer à l’effet d’invisibilité », ajoute-t-elle.
Un autre défi à relever est d’adapter ces revêtements d’invisibilité aux fréquences des ondes. « Les méta-matériaux sont dispersifs en fréquence, c’est à dire que la vitesse de propagation de l’onde dépend de la fréquence de cette onde. Les dispositifs d’invisibilité utilisant des méta-matériaux sont donc malheureusement limités à une bande de fréquence très étroite », souligne l’AID.
D’où les recherches en cours, qui s’appuient sur les travaux de Geoffroy Kotz, lequel a imaginé une approche « alternative » de l’optique de transformation pour « adapter la cape d’invisibilité à ces changements de comportements observés dans les méta-matériaux. »
Reste à voir si ces travaux pourront trouver une application concrète à l’avenir, que ce soit pour le Système de combat aérien du futur [SCAF] ou bien encore le Main Ground Combat System [MGCS, le char franco-allemand, ndlr]. On peut même imaginer que des navires soient conçus avec des méta-matériaux, ne serait, pas exemple, pour rendre invisible leur mâture.