L’Europe doit garder ses distances à l’égard de la Turquie

Le président turc Recep Tayyip Erdogan est désormais considéré comme indispensable dans la lutte contre le terrorisme islamique.

Il fait partie de la coalition Turquie, Iran et Syrie soutenue par la Russie visant à refouler du Nord de la Syrie les militants de l’Etat Islamique qui y sont encore très présents.

Dans ce cadre, il avait déclenché le 9 octobre une offensive visant à créer une « zone de sécurité » à la frontière sud de son pays et le transfert dans cette zone d’une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens installés en Turquie. Il apparaît cependant que cette offensive, dans les intentions d’Erdogan, devrai permettre d’annexer plus ou moins définitivement un territoire riche en diverses ressources qui deviendrait progressivement une prolongation géographique de la Turquie. La Syrie voit ceci d’un très mauvais oeil et son armée s’efforce de réoccuper les zones qui étaient sous son influence, notamment la ville de Kobané, symbole de la résistance des Kurdes face à l’Etat Islamique.

Mais il ne faudrait pas se faire trop d’illusion sur la neutralité de Recep Tayyip Erdogan au regard de l’Islam et de ses efforts de conquête. Il s’agit d’un militant islamiste assumé, au contraire de son lointain prédécesseur Ataturk qui se voulait laïc. Il se rêve en sultan d’un nouvel Empire Ottoman qui serait le protecteur de tous les islamistes dans le monde. Ainsi, quand il vient en France faire un discours devant la communauté turque, il impose que les hommes et les femmes soient séparés et leur enjoint de ne pas s’intégrer à la société ni française ni européenne.

Aujourd’hui il tolère les viols et les meurtres pratiqués par les supplétifs islamistes de l’armée turque au Kurdistan et menace de remettre en liberté des centaines de milliers de djihadistes actuellement détenus en Turquie. C’est un moyen de chantage contre les Européens, car il sait très bien que ceux-ci viendraient rapidement commettre des attentats en Europe.

II y a deux ans, il tenait un autre discours envers l’Union européenne dont il avait voulu, selon ses dires tout au moins, que la Turquie devienne membre. Les Etats-Unis avaient fait de fortes pressions sur l’Union pour qu’elle accepte la candidature de la Turquie, espérant ainsi vraisemblablement l’affaiblir. Mais l’Union avait résisté, y compris l’Allemagne qui emploie cependant des centaines de milliers de Turcs dans ses entreprises. Cela était du bon sens. Intégrer 80 millions de Turcs pour la plupart musulmans lui aurait donné un tout autre visage, notamment au regard de la laïcité.

Il serait catastrophique que l’Union relâche sa vigilance au regard de la Turquie et d’Erdogan en particulier, au prétexte qu’ils luttent contre le djihadisme. Quant à Emmanuel Macron qui se flatte de relancer la coopération avec Erdogan, il devrait se méfier. Il se heurte à bien plus fort et expérimenté que lui.

Jean Paul Baquiast
24/11/2019

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