Servir, telle était la devise du défunt président de l’Union Paneuropéenne, Otto de Habsbourg, qui était un modèle de dévouement et de modestie au service de la paix en Europe. Evidemment, telle doit être la conséquence de notre engagement ” franco-européen “. Mais en ce milieu d’année 2017, où les menaces s’accumulent au sein, aux limites et au delà de l’Europe, sans même que la plupart des européens les perçoivent, comment servir ? Quelle action engager, à la fois pour être entendu, écouté, suivi et pour entraîner.
Il faut commencer par se poser la question de savoir si les européens ne seraient pas inconscients ? Est-ce la raison pour laquelle ils sont collectivement amorphes ? Seul leur bien être individuel, à court terme, paraît vraiment les mobiliser. Ne voient-ils pas que nous sommes à nouveau dans une compétition mondiale acharnée ? Et que leur destin personnel dépend une fois de plus de la grande politique ? Nous nous prélassons sur un volcan.
A tout moment pourrait surgir un évènement dramatique et déclencheur de conflits en cascade comme l’assassinat à Sarajevo le 28 juin 1914 de l’Archiduc Ftançois-Ferdinand ! Il suffit d’un peu d’imagination… :
un dérapage des prétentions impérialistes de Moscou, une nouvelle série d’attentats terroristes, l’embrasement de la rivalité sunnite-chiite, la mobilisation arabe contre l’expansionnisme Israélien, l’explosion de l’Algérie à la disparition de Bouteflika et ses répercutions sur la rive nord de la Méditerranée, des centaines de milliers d’immigrants africains tentant de rejoindre l’Europe, un Brexit dans l’impasse, des polonais et des hongrois qui s’écartent de l’Union Européenne, la Catalogne et l’Ecosse qui choisissent l’indépendance, une coalition SPD / CDU-CSU écartant Angela Merkel, des français déçus, puis furieux contre leur choix du printemps 2017 et surtout des Etats-Unis en guerre contre la Corée du Nord et Pékin en profitant pour s’élargir en Mer de Chine et à Taïwan… Que sais-je encore, avec un Maduro qui transforme le Venezuela en Cuba des années 50 et le Brésil qui s’effondre sous le poids de la corruption.
Le simple bon sens devrait nous convaincre qu’à tous ces défis, seule une Europe puissance forte et indépendante serait en mesure de faire face, pour peu qu’elle se soit dotée des instruments institutionnels et militaires de sa souveraineté. « Le fondement de tout Etat, c’est une bonne armée », a dit Machiavel. Il est donc urgent de créer une défense européenne composée d’éléments des armées et des états-majors de ses Etats-membres. Cela paraît être en contradiction avec le but initial de l’Europe qui était la paix. Mais cela ne veut pas dire qu’on se servira de cette armée. De même qu’on ne se sert pas de l’arme nucléaire française qui est un élément dissuasif. Mais, si l’on n’a pas de défense forte, on n’est pas pris au sérieux dans les négociations internationales. Et puis : « Si vis pacem, para bellum ». Ceci dit, la France surtout a dû se servir beaucoup de son armée ces dernières années parce que l’environnement de l’Europe est de plus en plus belliqueux. Et l’été dernier, les Italiens ont dû envoyer des navires de guerre devant les côtes lybiennes pour endiguer un afflux de migrants qui peu à peu asphyxie leur pays. Ce sont des symptômes significatifs.
Le nouveau président français a inscrit l’Europe d’initiative franco-allemande en tête de ses objectifs de politique étrangère. Si l’on peut considérer l’Europe comme faisant partie des relations extérieures, ce qui n’est plus le cas à maints égards. Son élection le 7 mai dernier, comme le fera la victoire probable d’Angela Merkel le 24 septembre prochain, a donné le coup de grâce aux mouvements et partis europhobes. En France plus qu’en Allemagne, l’extrême-droite et l’extrême-gauche étaient puissantes et auraient pu faire basculer le pays dans le mauvais sens. Ce danger est écarté, espérons-le définitivement. Si les extrêmes anti-européens connaissent régression et échecs électoraux un peu partout, c’est que les trois quart des citoyens de la zone euro ne veulent plus changer de monnaie et considèrent l’acquis européen comme acquis. Mais il faut aller de l’avant sur le plan institutionnel en s’appuyant sur le noyau dur de la zone euro dont les adhérents jouissent des mêmes avantages et assument les mêmes sacrifices. Et surtout, quand on a comme la France un atout tel l’eurométropole de Strasbourg, raison pour laquelle Paneurope s’est associée aux réflexions de CŒURS, le cercle créé par la mairie de Strasbourg pour faire avancer l’Europe.
Quel peut donc être le but recherché ?
– l’idée d’Europe, le besoin d’Europe, l’envie d’Europe, le sentiment d’appartenance partagée par tous les peuples européens à l’Union ne peut prendre racine que par leur choix libre et démocratique;
– c’est dire qu’il faut valoriser le rôle et la place du Parlement dans les institutions européennes et prévoir de lui adjoindre une 2ème assemblée composée des délégués des parlements nationaux, ce qui contribuerait, par délégation de compétence, à accélérer le processus législatif et à conforter sa légitimité;
– en renforçant politiquement la zone euro ( gouvernance économique, harmonisations budgétaires, fiscales et sociales, ministre délégué par les gouvernements pour la superviser …), Strasbourg, eurométropole, devrait voir son rôle s’amplifier, en supprimant les sessions parlementaires à Bruxelles;
– Bruxelles a le double inconvénient d’être devenue le symbole des excès et des échecs européens ( le rôle excessif de la Commission qui réglemente à tout va ) et le siège du lobbying anglo-saxon, mis à mal par le Brexit;
– mais attention à ne pas démanteler les Etats-nations constitutifs des fondations de l’Union; c’est dire qu’il ne faut surtout pas encourager les mouvements indépendantistes, comme celui de la Catalogne; l’éclatement de l’Union en provinces-régions autonomes affaiblirait l’Europe et compliquerait encore plus son union indispensable dans les domaines régaliens comme sa Défense autonome et la protection de ses frontières extérieures; si les Catalans ne sont pas capables de cohabiter avec le reste de l’Espagne, inutile alors d’espérer faire cohabiter un Grec avec un Danois !
Alain Terrenoire, président de l’Union Paneuropéenne Internationale