Géopolitique du spatial militaire

En termes de géopolitique nous désignerons ici par spatial (l’espace) un domaine dans lequel les superpuissances actuelles (Etats-Unis, Chine en priorité ) veulent assurer leur présence.

Officiellement il s’agit de participer à l’exploration scientifique de ce domaine nouveau s’ouvrant à l’humanité. En fait il s’agit d’y manifester une présence militaire compte tenu des enjeux proches ou lointains en termes de défense en découlant.

Depuis quelques années, les États-Unis semblaient en recul sur divers fronts terrestres face à ses adversaires, Russie et Chine en premier lieu. Il s’agit de l’Europe du Nord, du Moyen-Orient et de la mer de Chine méridionale. En fait, il apparaît que pour le complexe militaro-industriel américain, dont Donald Trump est l’instrument, ces zones géographiques ont perdu beaucoup d’intérêt par rapport à ce que représente la présence dans l’espace.

Ceci n’est pas nouveau. La National Aeronautics and Space Administration, plus connue sous le nom de NASA, est l’agence gouvernementale responsable de la majeure partie du programme spatial civil des États-Unis. Elle a toujours bénéficié d’un important budget et a multiplié les succès dans le domaine scientifique. Elle travaille pour des objectifs scientifiques, Mais il est connu qu’elle a toujours collaboré avec le Pentagone.

En juin 2018, le président américain Donald Trump avait demandé à l’armée américaine de mettre en place une « space force » . Il s’agira d’une sixième branche de ses forces armées, distincte des autres branches, terrestres, navales ou aériennes. Elle sera chargé d’assurer la domination américaine dans l’espace (American dominance in space) .

Le Pentagone n’avait pas attendu cette décision pour mettre en orbite de nombreux satellites militaires. Aujourd’hui, ceux-ci assurent une observation continue, visuelle ou radar, de l’ensemble de la terre, et plus particulièrement des pays considérés comme des adversaires potentiels, la Russie et la Chine. Les données recueillies permettent à tout moment d’organiser des frappes précises sur des cibles adverses.

Mais ces satellites ne se limitent pas à l’observation. Ils sont désormais armés de moyens électroniques leur permettant de brouiller les communications de satellites adverses. Ils peuvent même les neutraliser voire les détruire.  On parle de « satellites tueurs ». Le 24 juillet 2020, les Etats-Unisont accusé la Russie d’avoir mis en place un ou plusieurs de tels satellites. Mais les experts bien informés savent que Washington avait depuis quelques mois mis discrètement en orbite de telles armes.

Au delà de l’espace suborbital. 

On nomme espace suborbital l’espace proche lequel n’est accessible qu’à des engins dotés de vitesses insuffisantes pour échapper à la gravitation terrestre. Mais depuis longtemps, avec les missiles intercontinentaux militaires, les grandes puissances disposent de moyens leur permettant de sortir dans l’espace interplanétaire, quitte à y rentrer immédiatement pour frapper une cible terrestre.

Elles ont donc la possibilité de mettre en place dans l’espace proprement dit des moyens militaires permanents leur permettant d’y assurer leur présence. Le coût de l’envoi dans l’espace de tels moyens est considérable, puisque ceci nécessite de puissants lanceurs capables d’emporter des charges importantes. C’est pourtant ce qu’avaient fait les Etats-Unis dès 1969 à une échelle plus modeste avec la Mission Appollo. Celle-ci avait permis d’envoyer sur la Lune trois astronautes puis d’assurer leur retour en toute sécurité sur terre. L’exploit n’a pas été renouvelé depuis, car à l’époque il s’agissait surtout d’atterrir sur la Lune (alunir) avant la Russie.

De nos jours, la Lune est redevenu un objectif militaire de première importance. Des stations lunaires permanentes durablement habitables permettront de commencer à explorer puis exploiter les ressources géologiques considérables dont semble-t-il dispose la Lune. Mais au plan militaire, elles feront davantage. Elles assureront à la puissance capable de mettre en place de telles stations la perspective de s’établir durablement sur notre satellite et de ne pas laisser aux nations adverses la capacité d’exploiter seules à leur profit les ressources lunaires. Au plan militaire, elles permettront d’y affirmer une présence armée capable d’éviter que la Lune ne devienne le monopole d’une seule puissance.

Cet objectif paraît désormais de très grande importance pour Pékin. La Chine mettra sans doute des moyens importants permettant d’éviter que les Etats-Unis ne se donnent le monopole d’une utilisation militaire de la Lune. Ce programme s’est concrétisé jusqu’à aujourd’hui, en utilisant des fusées dites Longue Marche par l’envoi de trois sondes spatiales Chang’e dès 2007, puis d’un robot explorateur en 2013 et en 2019 par la mission Chang’e 4. Celle-ci est la première mission humaine qui se soit posé sur la face cachée de la Lune et en ait donné des images. Ces différents programmes se veulent scientifiques, mais nul n’ignore qu’ils pourront jouer un rôle militaire dans les prochaines décennies.

Ajoutons qu’une présence humaine permanente sur la planète Mars est d’ores et déjà considérée comme un objectif de puissance. Actuellement les Etats-Unis disposent d’une importante avance. La mission Mars 2020 est une mission spatiale d’exploration de la planète Mars développée par le JPL ou Jet Propulsion Laboratory, établissement de l’agence spatiale américaine NASA. La mission consiste à mettre en place l’astromobile Perseverance sur le sol martien pour étudier sa surface.

On peut penser que la Chine, bien que ne disposant pas pour le moment des importants moyens de la Nasa, fera dans les prochaines années les plus grands efforts pour ne pas se laisser dépasser par celle-ci. Il n’est bien entendu pas question aujourd’hui de considérer la présence sur Mars ou sur ses satellites Phobos et Deimos comme ayant une importance militaire pour les grandes puissances. Mais les points de vue évoluent vite en ce domaine.

Note

Inutile de préciser que l‘Agence Spatiale Européenne  s’interdit tout objectif militaire. De toutes façons ses moyens limités ne lui permettraient rien de tel.

Jean Paul Baquiast
27/07/2020
http://www.europesolidaire.eu/

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