par Laurent Lagneau
Le 25 août, à l’issue d’une journée passée à tenter d’apaiser les tensions entre la Grèce et la Turquie, arrivées à un stade « très critique » depuis qu’Ankara a envoyé, sous escorte militaire, des navires de recherche sismique dans une zone située entre la Crète et Chypre pour y prospecter des hydrocarbures, le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, dont le pays assure la présidence tournante de l’Union européenne [UE] a déclaré que « personne ne voulait régler ce différend par des moyens militaires ». Et de souligner qu’il y avait une « volonté de dialogue des deux côtés ».
« La situation actuelle en Méditerranée orientale est très tendue, et une étincelle suffirait à provoquer une catastrophe. Personne n’y trouverait, et certainement pas à une confrontation militaire entre partenaires et voisins de l’Otan. Voilà pourquoi nous voulons tout faire pour empêcher d’en arriver là », a insisté M. Maas.
Quoi qu’il en soit, Athènes n’entend rien céder. « La Grèce défendra sa souveraineté et ses droits au nom de la loi. La Grèce défendra ses frontières nationales et européennes, la souveraineté et les droits souverains de l’Europe », a déclaré Nikos Dendias, le ministre grec des Affaires étrangères. On notera au passage la référence aux « frontières européennes »…
Quant à la Turquie, son chef de la diplomatie, Mevlut Cavusoglu, a fait part de la disposition d’Ankara à un « à un dialogue sans condition préalable. » Seulement, a-t-il continué, « ce n’est pas possible si la Grèce pose des conditions préalables ». Et d’ajouter : « Si la Grèce fait des déclarations et assure qu’elle défendra ses droits, ou qu’elle mènera des exercices en Méditerranée orientale, ou si bien si elle commet un faux pas, la Turquie de son côté est prête à faire tout ce qui est nécessaire et sans hésiter. »
En clair, Ankara veut bien discuter mais à la condition qu’Athènes lui donne raison… Alors que, ce 26 août, dans le cadre d’une Initiative quadripartite de coopération [SQUAD], la France, la Grèce, l’Italie et la République de Chypre viennent de lancer des manoeuvres aériennes et navales conjointes en Méditerranée orientale [qui ne doit pas être le « terrain de jeu des ambitions de certains », dixit Florence Parly, la ministre française des Armées], le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a tenu des propos sans ambiguïté, à l’occasion de la célébration de l’anniversaire de la victoire du sultan seldjoukide Alp Arslan sur les Byzantins, lors de la bataille de Manzikert, en 1071.
« Ceux qui ne méritent même pas d’être les héritiers de Byzance aujourd’hui, se cachent derrière les Européens pour agir comme des pirates qui ignorent le droit. Il est évident qu’ils n’ont pas retenu les leçons du passé », a lancé M. Erdogan.
« La Turquie prendra ce qui lui revient de droit en mer Noire, en mer Egée et en Méditerranée […] Nous ne ferons absolument aucune concession sur ce qui nous appartient », a aussi affirmé le président turc. « Pour cela, nous sommes déterminés à faire tout ce qui est nécessaire sur les plans politique, économique et militaire », a-t-il prévenu. « Si nous le disons, nous le ferons et en paierons le prix. Ceux qui se dressent contre nous et qui sont prêt en en payer le prix, nous les attendons. Sinon qu’ils se retirent de notre chemin », a-t-il martelé.
Sans nommer la Grèce, M. Erdogan a également invité les « interlocuteurs » de la Turquie « à se garder de toute erreur qui ouvrirait la voie à leur ruine ». Et d’enfoncer le clou : « La Turquie n’est plus un pays dont la patience, la détermination, les moyens et le courage peuvent être testés. »
Par ailleurs, et après avoir pris part, la veille, à un exercice avec les forces grecques, la marine américaine ne veut visiblement pas faire de jaloux [comme, du reste, son homologue italienne] : ce 26 août, le destroyer américain USS Winston S. Churchill a manoeuvré avec les navires turcs TCG Barbaros et TCG Burgazada. Des photos de cette « interaction » ont été publiées par le ministère turc de la Défense.