SECURITE : Repenser la défense face aux crises du 21e siècle

Par Institut Montaigne

Alors que la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2019-2025 doit être actualisée en 2021, il convient de s’interroger sur la politique de défense que nous souhaitons adopter pour assurer notre sécurité nationale et collective.

Si l’enveloppe de 295 milliards d’euros prévue par la LPM représente un effort conséquent pour la Nation, en particulier dans le contexte de crise économique exceptionnelle liée à la pandémie, notre conviction est que cet engagement doit être confirmé en 2021, car il est nécessaire pour faire face aux menaces croissantes et variées auxquelles notre pays est confronté.

Outre la sécurisation de la LPM, la France doit préparer ses Armées et l’ensemble de l’écosystème défense-industrie à des confrontations plus dures, et formuler une réponse globale et agile à des risques et des menaces plus systémiques sur notre sécurité. Il importe enfin de persévérer dans les coopérations européennes, car il n’existe pas d’alternative.

 Un contexte marqué par une recrudescence des risques et des menaces

Crise financière, cyberattaques, terrorisme islamiste, pandémie, manipulations de l’information, investissements étrangers dans des secteurs stratégiques, rapports de force militaires : depuis une quinzaine d’années, les risques et les menaces auxquels la France et ses partenaires européens sont exposés se sont accrus. Ils s’enchaînent dans des domaines variés mais interdépendants, renforçant la perspective d’une crise systémique.

À cela s’ajoutent des menaces provenant de puissances qui exploitent ces turbulences pour imposer leur volonté. Elles jouent désormais de manière désinhibée sur la puissance militaire mais aussi de manière ambiguë sur tous les leviers stratégiques, directs et indirects. Pour faire face à ces menaces, la France peut de moins en moins compter sur un système multilatéral considérablement affaibli.

 Durcir notre appareil de défense

Les attentats terroristes sur le sol national puis la crise sanitaire ont mis en lumière la contribution que pouvaient apporter les Armées face à des crises sécuritaires à la marge du domaine militaire. Il ressort que leur valeur ajoutée au sein du dispositif régalien repose d’abord sur leur aptitude spécifique à s’engager dans les situations les plus dégradées qu’elles rencontrent sur les théâtres de guerre. Par ailleurs, la gestion de l’escalade, y compris avec des puissances moyennes, est devenue omniprésente dans les opérations militaires récentes. Il importe de se préparer à nouveau et d’être crédible dans l’hypothèse d’une confrontation de plus haute intensité.

Il convient donc de « durcir » le modèle d’Armées, notamment sur les plans de la résilience interne, de la réactivité, des capacités et du format. Pour atteindre cet objectif, il est possible d’agir sur plusieurs leviers : le budget, les ressources humaines, l’écosystème industriel et technologique, l’innovation et les opérations.

 Adopter une approche globale et agile

Dans un contexte marqué par des risques multidimensionnels et la succession des chocs, la politique de défense doit s’inscrire dans une approche à la fois globale et agile. La France est confrontée à des acteurs pratiquant des stratégies hybrides, c’est-à-dire jouant de manière ambiguë sur tous les leviers : politique, informationnel, économique, diplomatique et militaire. Pour reprendre l’initiative, l’organisation des moyens français doit viser la coordination la plus poussée du plus haut niveau de l’État jusqu’au théâtre de crise.

Plus généralement, la résilience nationale se trouve mise à rude épreuve alors qu’elle constitue un facteur de puissance déterminant. À court terme, elle peut être renforcée par une amélioration de la doctrine d’anticipation et de gestion de crise. Il importe d’y associer toutes les forces vives, jusqu’au niveau local et sans oublier celles du secteur privé. Enfin, la pandémie et la pénurie de masques sont venues rappeler la pertinence du concept d’autonomie stratégique, qu’il convient d’étendre au-delà des questions de défense, notamment dans le domaine du numérique.

Persévérer dans les coopérations européennes

Alors que le contexte stratégique est marqué par le retour de confrontations entre puissances, au premier rang desquelles figure la compétition entre les États-Unis et la Chine, la France est confrontée avec ses voisins à un problème de masse critique. L’espace et le numérique en sont les deux meilleurs exemples.

Ce constat appelle un renforcement de l’autonomie stratégique européenne dans ses trois composantes traditionnelles – politique, opérationnelle, et technologique et industrielle. À la lumière de la crise actuelle, il importe par ailleurs de l’élargir aux domaines économique, financier et commercial qui ont été les avantages compétitifs de l’Union européenne.

L’enjeu du décalage entre les ambitions de l’Union européenne en matière de défense et la réalité de ses capacités ne doit pas être occulté. Il n’existe néanmoins pas de « plan B ». Il convient donc de persévérer, notamment en exploitant les nouveaux outils développés depuis 2016 dans le domaine de la défense. La diversification des partenariats doit également être poursuivie, notamment dans le cadre de l’Initiative européenne d’intervention, pour favoriser une culture stratégique commune. Il est enfin important de continuer à expliquer et clarifier notre discours pour fédérer davantage et proposer comment mieux « partager le fardeau » avec l’OTAN.

Nos recommandations

Recommandation n° 1 : aller vers une organisation militaire spécifique et mieux intégrée.
Recommandation n° 2 : améliorer la réactivité des Armées face à la volatilité du contexte stratégique.
Recommandation n° 3 : ajuster les capacités et le format pour plus d’impact et d’endurance.
Recommandation n° 4 : sécuriser la Loi de Programmation Militaire.
Recommandation n° 5 : renforcer l’attractivité du métier des armes.
Recommandation n° 6 : diffuser la culture de l’innovation au-delà de l’Agence d’innovation de défense.
Recommandation n° 7 : renforcer l’agilité de l’approche globale française face à l’hybridité avec une coordination plus poussée.
Recommandation n° 8 : anticiper des scénarios plus durs et multidimensionnels avec un rôle renforcé du SGDSN.
Recommandation n° 9 : impliquer le secteur privé dans les réserves et la mobilisation générale, s’entraîner.
Recommandation n° 10 : coordonner l’action des ministères au niveau central, faciliter la subsidiarité, assurer la survie des fonctions essentielles de la Nation.
Recommandation n° 11 : renforcer l’autonomie stratégique européenne dans les domaines clés.
Recommandation n° 12 : renforcer le rôle fédérateur de la France pour la défense européenne et dans l’OTAN.

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