par Laurent Lagneau
« On n’est pas sorti de l’auberge », a lancé Emmanuel Levacher, la semaine passée, lors de la présentation des résultats d’Arquus, le groupe d’armement terrestre qu’il dirige. La crise du covid « n’est pas encore derrière nous, et, surtout, on voit les conséquences » sur les approvisionnements, a-t-il ajouté. Et de citer la pénurie de microprocesseurs [qui l’inquiète beaucoup, a-t-il confié] et les tensions sur les matières premières, dont l’acier. Tensions qui donne lieu à de l’inflation… [et donc des équipements plus chers à l’arrivée].
Lors d’une audition au Sénat, le 17 mars, la ministre des Armées, Florence Parly, a également évoqué ces dépendances pour certains composants essentiels pour l’industrie française de l’armement. Mais pas seulement. Et d’estimer qu’il fait désormais les réduire, notamment celles à l’égard de la Chine.
« Nos importations en provenance de la Chine ont augmenté de 4,5% par rapport à 2019, notamment dans les domaines médicaux et électroniques. C’est très révélateur de notre dépendance envers la Chine que nous devons absolument réduire, en particulier dans des domaines que je qualifierais de critiques », a affirmé Mme Parly.
« Je pourrais citer l’exemple de notre dépendance en minerais critiques, en terres rares, que nous importons de Chine et qui sont indispensables à la fabrication de nos matériels de défense, du Rafale aux drones, en passant par les équipements de télécommunications et les batteries mobiles de nos soldats », a continué la ministre.
Plus généralement, et malgré des initiatives pour développer le recyclage et l’écoconception, l’Union européenne « importe encore entre 75 à 100% des des matières premières dont elle a besoin, comme le cobalt, le nickel, le lithium ou le graphite naturel, qui sont utilisées pour la fabrication des batteries électriques », a souligné Mme Parly.
Pour y remédier, la Direction générale de l’armement [DGA] s’est attachée à identifier ces dépendances. De même que l’Agence européenne de la Défense [AED] , qui en a fait une cartographie. Ce sujet fait l’objet d’un projet retenu au titre de la Coopération structurée permanente [CSP], appelé en l’occurrence MAC-EU [Matériaux et composants pour la compétitivité technologique de l’UE],
« L’objectif est de développer la base technologique et industrielle de défense européenne [EDTIB] dans le domaine des technologies des matériaux et des composants, en particulier celles pour lesquelles la sécurité d’approvisionnement et la liberté d’utilisation peuvent être restreintes. Le projet renforcera également la compétitivité, l’innovation et l’efficacité de l’EDTIB en soutenant des actions de collaboration et de coopération transfrontalière », est-il indiqué sur la fiche descriptive de ce projet, conduit par la France.
Le souci est que sécuriser les approvisionnement prendra du temps… Or, le 16 mars, alors que l’UE discutait de sanctions pour dénoncer les violations des droits des Ouïghours dans le Xinjiang et la réforme du système électoral à Hong Kong, la Chine a lancé un avertissement.
« Je tiens à souligner que les sanctions sont une confrontation. Des sanctions fondées sur des mensonges pourraient être interprétées comme une atteinte délibérée à la sécurité et au développement de la Chine », a en effet averti Zhang Ming, l’ambassadeur de la Chine auprès de l’UE. « Nous demandons à la partie européenne d’y réfléchir à deux fois. Si certains insistent sur la confrontation, nous ne reculerons pas, car nous n’avons pas d’autre choix que d’assumer nos responsabilités envers le peuple de notre pays », a-t-il insisté.