Les terres rares sont devenues des matières premières majeures pour les nouvelles technologies. Qu’il s’agisse des aimants, des composants pour les batteries ou pour les équipements médicaux, elles sont désormais essentielles à nos économies.
Cependant, il faut tenir compte d’un problème politique actuel : la Chine contrôle la large majorité de leur production. Avec les tensions entre l’Occident et Pékin liées au durcissement du régime chinois, il est de plus en plus périlleux de laisser de tels éléments stratégiques entre les mains d’un adversaire géopolitique.
La diversification de leur production doit devenir une priorité. D’autant que la France a le potentiel pour être un acteur majeur dans ce domaine grâce à son espace maritime.
Des matières essentielles entre les mains de la Chine
Comme le précise une étude de l’IFRI, le marché des terres rares est une niche économique évaluée à 9 milliards de dollars. Le volume de matières premières produites et vendues est faible (150 000 tonnes par an à comparer avec 2,29 milliards de tonnes de fer). Mais il alimente des industries représentant un total de 7 000 milliards de dollars. Une faible quantité de ces matières a la capacité de produire des composants nécessaires pour la fabrication et le fonctionnement de technologies de pointe.
Les réserves connues de terres rares sont concentrées dans quelques pays. Selon les données de l’U.S. Geological Survey en 2020, la Chine en possède 44 millions de tonnes, le Vietnam et le Brésil 22 millions chacun, la Russie 12 millions, l’Australie 3,3 millions, les Etats-Unis 1,4 million et le Groenland 1,5 million. Toutefois, la plupart de ces pays n’exploitent pas leurs ressources.
En 2019, la Chine, avec 132 000 tonnes produites, représentait 62% du marché, les Etats-Unis, avec 26 000 tonnes, étaient les seconds, à 12%. Suivaient la Birmanie (dont les réserves ne sont pas connues) et l’Australie avec respectivement 22 000 et 21 000 tonnes, soit 10,3% et 9,9% de la production.
Des pays possédant de grandes réserves comme le Brésil, le Vietnam ou la Russie n’ont pas investi dans ce secteur permettant de peser dans le marché mondial.
L’Amérique du nord comme futur producteur occidental
Comme dans bon nombre de domaines économiques, le contrôle des terres rares est en train de devenir un terrain d’affrontement entre les Etats-Unis et la Chine. Si cette dernière est, pour l’instant, en position dominante, Washington ne reste pas inactif. Un plan d’action dévoilé en 2019 sous l’administration Trump avait pointé la faiblesse de l’Amérique : pour 14 des 35 minéraux listés, elle n’a aucune production nationale et dépend entièrement d’importations en majorité chinoises. Pour remédier à cette dépendance, Washington comptait à la fois développer ses capacités de recherche pour l’extraction, renforcer la coopération et améliorer le commerce international de ces minéraux avec ses alliés. La production a été activée avec la réouverture d’une des seules mines américaines en la matière, en Californie. Donald Trump s’est intéressé de près aux réserves du Groënland. La coopération avec le Canada est une autre piste privilégiée. La société USA Rare Earth a investi dans Search Minerals, une entreprise minière canadienne, pour l’exploitation d’une future mine dans la province de Terre-Neuve. Il est fort probable que cette délocalisation de l’extraction au Canada s’accentuera sous l’administration Biden, qui tend à favoriser les politiques environnementales au détriment de l’industrie minière.
La France pourra t’elle trouver sa place ?
Quid de l’Europe ? Si, à première vue, la France semble écartée du marché par l’absence de réserves importantes de terres rares sur son territoire, elle pourrait bien, dans le futur, être un producteur potentiel. Les gisements actuellement connus sont terrestres, mais il en existe dans les fonds marins. Or, la France possède la plus grande zone économique exclusive maritime au monde après les Etats-Unis. Les explorations sous-marines en Polynésie, par exemple, laissent espérer des découvertes, bien que la prospection semble rester limitée. Laisser plus de possibilité à l’innovation et aux investisseurs pourrait renforcer cette exploration (et une future exploitation) qui serait bénéfique au pays. Néanmoins, dans le cas des découvertes de terres rares sous-marines, un obstacle majeur subsisterait : les réglementations en matière minière, surtout dans un contexte de « green new deal » européen.