Par : Clara Bauer-Babef | EURACTIV.com, 24 mars 2023, republié
Le nouveau report de la législation pharmaceutique de l’UE a fait monter la tension parmi les eurodéputés et les acteurs du monde de la santé, qui frappent du poing sur la table pour que la Commission accélère le processus législatif.
La révision de la législation pharmaceutique de l’UE a pour but d’établir un cadre pour l’utilisation des médicaments, de leur production à leur autorisation de mise sur le marché, en passant par les essais cliniques.
Mais la tant attendue publication de la nouvelle législation a été reportée pour la troisième fois, a appris EURACTIV mercredi (22 mars).
Un nouveau report que les eurodéputés et les ONG condamnent avec force.
Dans une lettre adressée à la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, l’eurodéputée française Véronique Trillet-Lenoir (Renew) a exhorté jeudi (23 mars) la Commission à publier la révision de la législation « au plus tard en avril 2023″ et de déclencher le processus législatif dans les plus brefs délais.
« Nous savons tous que ce paquet législatif était prêt à être publié. Nous nous sommes tous abstenus ces dernières semaines de commenter la version divulguée », a écrit Mme Trillet-Lenoir dans la lettre.
« Le report de cette législation cruciale, sans aucune justification et sans aucune nouvelle date de publication, est inacceptable », poursuit-elle.
« Cette législation est essentielle pour garantir un accès juste et équitable aux médicaments à tous les patients, à tous les Européens. Il est temps de les écouter et de leur donner des réponses. Ils méritent d’être entendus autant que l’industrie pharmaceutique », conclut l’eurodéputée française.
L’eurodéputé socialiste allemand Tiemo Wölken partage la position de Mme Trillet-Lenoir. « C’est une énorme victoire pour le lobby pharmaceutique qui s’est battu durement pour reporter le paquet pharmaceutique. C’est embarrassant pour la Commission », a-t-il déclaré dans un tweet jeudi.
De son côté, l’eurodéputée écologiste Tilly Metz juge la situation « inacceptable ».
« Quoi de plus urgent que la santé et le bien-être des citoyens européens ? Il est temps d’agir maintenant et de publier le paquet pharmaceutique dès que possible », a-t-elle également déclaré dans un tweet jeudi.
Critiques du monde de la santé
Les acteurs du monde de la santé ont également exprimé leur inquiétude quant au nouveau calendrier qui limiterait la possibilité d’une discussion démocratique approfondie sur le texte avant la fin du mandat législatif en 2024.
« Tout ce qui n’est pas mis dans la machine institutionnelle d’ici mai ne sera pas finalisé à temps », a averti Monique Goyens, directrice générale du BEUC, l’association européenne des consommateurs, lors d’un événement sur la stratégie pharmaceutique jeudi.
Mme Goyens a ajouté que même si la législation était adoptée dans les prochaines semaines, les eurodéputés n’auraient pas beaucoup de temps pour l’examiner. « Il s’agira d’une proposition très controversée, qui ne sera pas facile à gérer entre les institutions », a-t-elle averti.
Contacté par EURACTIV, le Forum européen des patients (EPF) a déclaré qu’il prenait note du retard, soulignant que la législation devait « répondre aux besoins de ceux qui bénéficient des médicaments approuvés : les patients » et ajoutant qu’il espérait voir la proposition publiée dès que possible.
Le 9 mars, une coalition d’organisations représentant la société civile, les patients et les professionnels de santé a cosigné une lettre adressée à la commissaire européenne à la santé, Stella Kyriakides, lui demandant de publier la législation pharmaceutique révisée de l’UE au plus tard en mars 2023.
« Nous sommes évidemment déçus que la Commission semble ne pas avoir priorisé la révision de la législation pharmaceutique comme nous le demandions », a déclaré à EURACTIV un porte-parole de l’Alliance européenne pour la santé publique (EPHA), l’un des signataires de la lettre.
Le porte-parole de l’EPHA a déclaré que la lettre soulevait les problèmes qui doivent être abordés de toute urgence tels que les pénuries de médicaments, les prix élevés et la disponibilité limitée pour les patients des traitements dont ils ont besoin de toute urgence.
« Sans une réforme du secteur avec une révision de la législation pharmaceutique de l’UE, ces problèmes ne feront que s’aggraver », a conclu le porte-parole, ajoutant qu’il espérait que la Commission « s’en rendrait compte et trouverait un espace dans son calendrier pour adopter sa proposition sans plus tarder ».
Ce n’est pas la première fois que la révision de la législation pharmaceutique de l’UE est retardée. La publication du texte était d’abord attendue pour la fin de l’année 2022, puis à la mi-mars, avant d’être à nouveau reportée à la fin du mois.
En l’état, l’adoption de la révision « aura lieu un peu plus tard que la date actuellement indiquée dans l’ordre du jour provisoire des prochaines réunions de la Commission », selon un porte-parole de la Commission.
Pour justifier ce report, le porte-parole a invoqué « l’agenda très chargé » du collège des commissaires au cours des dernières semaines.