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Et si la France se dotait enfin d’une stratégie industrielle ?

Dans les domaines de souveraineté, l’argument purement économique est le chemin le plus direct à la servitude volontaire.

 La crise du coronavirus souligne le besoin de passer de la conception globale à l’action globale, et en conséquence avoir les moyens industriels et économiques appropriés sur le territoire national et européen

Les anticipations des menaces sont perçues mais ne sont pas suivies d’actions en cohérence, comme l’illustre la pandémie actuelle.

 À l’exception des lois de programmation militaires, la déclinaison en plans d’action pour assurer la résilience du pays est trop limitée dans tous les autres domaines, médicamenteux, alimentaire, énergétique, etc.  Voire inexistante.

 La dépendance vis-à-vis de certains pays dans des domaines précis peut être un choix.

Il est d’ailleurs fait par beaucoup d’États européens vis-à-vis des États-Unis. Dépendances subies, dépendances imposées, perte de souveraineté

Concevoir, produire et acheter européen : une priorité

 Le groupe de réflexion Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire nous propose ces pistes

1/ En appeler à la commande publique européenne

l’Union européenne peut  initier des processus d’acquisition pour le compte des États européens et en matière de défense exiger une conception et une fabrication en Europe.

Les commandes groupées constituent un avantage autant pour l’industrie que pour les « États – usagers » (grande lisibilité dans le temps, prix …après harmonisation préalable des besoins). De plus, cette option permet d’agir avant l’hypothétique élaboration de règles relatives à l’achat préférentiel européen. Bien évidemment sans y renoncer. Il est de l’intérêt de l’UE de vite opter pour « Buy European act » si elle veut éviter les pressions sur les « (Good) By European act » de certains de ses membres.

Surtout, en matière d’acquisition de matériels de défense européens, des achats effectués par l’Union européenne auraient un effet très protecteur. Ils contribuent à protéger des représailles exercées par un État tiers sur un État membre de l’UE qui, par exemple, se serait émancipé d’une acquisition de matériels « made in USA ». Dans la même logique, cette initiative rendrait les Européens solidaires en évitant les tentations de négociations bilatérales connexes « dans le dos » de l’UE et/ou d’autres États membres. Sans exclusive, pour des technologies très stratégiques comme celles des drones, ce type de procédure apparait particulièrement adaptée.

2/ Créer de la « conditionnalité européenne »

Il est également envisageable de créer de la « conditionnalité européenne » en faveur d’achats de défense européens. A défaut, tout État récalcitrant se verra amputé de crédits européens, y compris ceux disponibles dans d’autres politiques européennes. Ce mécanisme devrait même s’imposer systématiquement pour tous les projets de R &D soutenus par le Fonds européens de la défense.

Aucun Etat n’appréciera de perdre des financements européens. Toutefois, ce point est particulièrement important afin d’influer sur les décisions des Etats bénéficiaires nets de la solidarité européenne et qui s’en émancipent ensuite souvent par des acquisitions militaires hors UE.

3/ Le marché intérieur davantage régulé

 A défaut de solidarité européenne en matière de défense, le marché intérieur devra être davantage régulé.

 Il n’est pas possible que certains États profitent des excédents commerciaux du marché intérieur pour acheter « made in USA. Fait important, l’Allemagne a créé un précédent dans cette crise sanitaire. Sa décision unilatérale d’interdire les exportations de matériel médical, y compris dans le marché intérieur européen, montre qu’une régulation est possible quand des intérêts directs sont menacés.

. La France ne peut plus prendre le risque que sa balance commerciale déficitaire dans le marché intérieur et sa contribution au budget de l’UE affectent le financement de sa défense

4/ Mobiliser la palette d’ingénierie financière de l’UE

Puis, il importe de renoncer à l’idée de solliciter, pour la France, un ratio d’endettement public supérieur à ce que l’UE autorise afin de financer notre effort de défense et de mobiliser la palette d’ingénierie financière de l’UE. La neutralisation des dépenses de défense française des calculs imposés par le pacte de stabilité avait été évoquée au motif que la défense française sécurise l’Europe.

. La France comme d’autres États membres, participe activement à la protection de l’Europe, à l’UE de contribuer aux investissements et, de manière encadrée par les traités, au fonctionnement. L’Union européenne aurait même la possibilité d’aller au-delà des cofinancements de projets par le biais de subventions en mobilisant des prêts de la Banque européenne d’investissement ou en prenant des parts dans le capital d’entreprises, par exemple de PME sur le modèle de son nouvel outils « accelerator ».

5/ Obtenir un « chèque de retour »

Enfin, à défaut d’investissements industriels communs dans le secteur de la défense, la France devra alors refuser tout accord budgétaire européen sauf à obtenir un « chèque de retour

L’objectif est d’exercer une pression forte en faveur d’une l’Europe de la défense utile à tous les Européens.

Tant que les dirigeants européens n’accepteront pas d’assumer une souveraineté européenne en matière de défense et d’acquérir des matériels « fabriqués en Europe », la France devra conserver seule les moyens de sa souveraineté.

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