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Union Paneuropéenne de Bavière – Augsburg – 13 juillet 2019 – Alain Terrenoire

Mon ami Dirk Voss, Vice-Président de l’Union Paneuropéenne Internationale et Landesvorsitzender von Paneuropa Union Bayern, m’a invité à participer à votre réunion et je l’en remercie. Cette sympathique circonstance va nous donner l’occasion, dans l’esprit Paneuropéen que nous partageons, de parler clairement et franchement de l’Europe.

J’évoquerai donc devant vous les difficultés auxquelles l’Europe d’aujourd’hui doit faire face, en interne comme en externe, avec les politiques nouvelles que je préconise, qui lui permettraient de les surmonter et la nécessité, pour y parvenir, de renforcer l’entente franco-allemande.

En interne, dans l’Union Européenne, on constate partout que réapparaît, non seulement le sentiment national, ce qui est légitime, mais aussi sa forme la plus exacerbée, le nationalisme. Et c’est en France, dès le début des années 80, que ce phénomène est à nouveau apparu avec le Le Penisme. Même si une majorité des électeurs des partis national-populistes ne se référent pas au nazisme, au  fascisme, au franquisme ou au salazarisme, il s’avère néanmoins que la plupart des dirigeants de ces partis tiennent des discours nationalistes, démagogiques et xénophobes. Il existe plusieurs explications à cette inquiétante situation qui, sans être toujours hostile à l’idée de l’Europe, a fait, principalement de la Commission Européenne,  son bouc émissaire ( Südenbock ).

La Commission Européenne, appelée de façon péjorative, «  la Commission de Bruxelles » recueille, du fait même de ses pouvoirs institutionnels, toutes les critiques, venant de tous les horizons européens. On lui reproche d’être trop technocratique, bureaucratique, déconnectée des réalités sociales et culturelles et soumise à l’influence des lobbies. Si ces reproches sont souvent motivés, il est injuste de ne pas y associer le Conseil Européen, et même le Parlement Européen, qui peuvent souvent apparaître, dans leurs décisions, comme dans leurs votes,  éloignés de la vie quotidienne des citoyens européens.

Ces reproches tiennent à l’organisation, aux compétences et au fonctionnement des institutions européennes qui sont, pour l’essentiel, restées fondées sur les mêmes principes depuis le Traité de Rome, il y a 62 ans : une Commission qui prend les initiatives et qui les appliquent, un Conseil qui les adopte, puis les soumet au vote du Parlement Européen. C’est un système qui donne aux citoyens européens le sentiment qu’ils ne participent pas démocratiquement à la législation européenne.  C’est pourquoi, je souhaite la révision de nos institutions afin que les citoyens européens se sentent mieux et plus directement associés à la marche de l’Europe.

Il faut aussi comprendre que les peuples de l’Europe Centrale et Orientale, qui ont du subir l’impérialisme communiste pendant trente cinq ans, après avoir souffert, pour beaucoup d’entre eux entre les deux guerres, de l’oppression de régimes d’extrême droite, se réjouissent maintenant de vivre, libres et indépendants, dans leurs Etats Nations.

Nul ne doit oublier aussi qu’à la conférence de Yalta, ces mêmes pays furent abandonnés à l’impérialisme Stalinien par la naïveté d’un Roosevelt, en  fin de vie.

Deux crises ont aussi suscité la méfiance des européens à l’égard de l’Union Européenne, celle financière en 2008 et celle des migrants en 2015. Si la première a pu être traitée, non sans soulever des  frustrations, la seconde continue d’entretenir  la méfiance de beaucoup d’européens face à ses conséquences politiques, sociales et culturelles.

C’est pourquoi, il est devenu aussi urgent qu’indispensable que les gouvernements européens s’engagent, conjointement avec la Commission Européenne, pour le renforcement des Accords de Schengen, pour la modification du Traité de Dublin et pour des politiques de co-développement avec les pays de départ.

Si tout le monde convient désormais de respecter les Accords de Paris sur le climat, il revient aussi à l’Union Européenne, dans ses relations commerciales avec des tiers, de les contraindre à la réciprocité pour éviter d’être victime d’une concurrence déloyale.

Enfin, je me demande quand l’Europe se décidera, par un effort considérable d’investissements public-privé à prendre toute sa place dans les technologies du XXIe siècle, actuellement dominées par les Etats-Unis et la Chine.

Faisant le lien avec les questions extérieures, nous ne pouvons que constater que le multilatéralisme libéral est en train de se saborder sous les coups que lui donne Donald Trump au profit d’un unilatéralisme nationaliste. C’était pourtant Washington qui avait ainsi imposé la réduction des tarifs douaniers pour, et par,  la multiplication des échanges mondiaux, en réussissant même à les faire adopter par la Chine et la Russie.

Qui peut sérieusement douter qu’en ne s’imposant que par la supériorité militaire et monétaire, les Etats-Unis ne nous fassent courir, à nous ses alliés européens, le risque d’un nouveau cataclysme mondial ?

En externe, l’environnement géopolitique et géostratégique de l’Union Européenne s’est totalement transformé.

En Europe, jusqu’au Pique-nique Paneuropéen de Sopron, il y a 30 ans, nous étions séparés par le Rideau de fer, dans la Guerre Froide. A l’Ouest, nos préoccupations essentielles tournaient autour des progrès de notre prospérité protégée par le parapluie américain qui nous garantissait la paix, sans trop de frais. Pendant qu’à l’Est les peuples attendaient leur libération.

Depuis le 11 septembre 2001, les Etats-Unis savent qu’ils sont devenus vulnérables, comme tous les autres pays. Sans que leurs motifs soient toujours justifiés, ils ont continué à prendre l’initiative ou à participer à des conflits, quasi permanents,  au Proche et au Moyen Orient, en Afghanistan, en Irak, en Syrie, qui se sont ajoutés au conflit Israélo-Palestinien, jamais réglé et aux bouleversements qu’ont connus le Machrek et le Maghreb.

Maintenant, sous la forte pression d’Israël, et avec les encouragements de ses alliés du Golfe, les Etats-Unis menacent Téhéran d’une guerre, après s’être retirés unilatéralement de l’accord sur le nucléaire Iranien.

La rivalité entre Sunnites et Chiites entretient ces menaces, comme les interventions occidentales dans cette région contribuent à nourrir le terrorisme islamique, dont l’Europe est également victime. Et c’est pour le combattre que la France, avec des partenaires européens et africains, a été contrainte d’intervenir militairement au Sahel.

En plus de son importance économique, en fournissant à l’Asie et à l’Europe une part essentielle de leurs ressources énergétiques, cette région, frontalière de l’Union Européenne, représente un intérêt géopolitique et géostratégique majeur, car il s’y joue une compétition acharnée entre les influences militaro-industrielles mondiales. Si les Chinois n’y tiennent pas encore la première place, ils suivent de près, et avec vigilance, ce qui s’y passe, en lien avec la Russie de Poutine qui, elle, y a retrouvé son influence auprès de ses anciens alliés. 

C’est aussi la Russie, dirigée depuis bientôt vingt ans par  un autocrate nostalgique du Stalinisme, qui s’est emparée par la force de territoires géorgiens et ukrainiens et qui pourrait continuer à violer les souverainetés nationales de ses voisins.

Dans le Sud-Est asiatique et, tout spécialement en mer de Chine, les rivalités entre puissances se sont également exacerbées, notamment en Corée du Nord et à Taiwan.

Ces crises répétitives ont entraîné un exode vers l’Europe des populations concernées, auxquelles s’est ajoutée la migration africaine, consécutive à une démographie galopante et à une économie déficiente.

Dans ce monde dangereux proche et lointain, l’Europe n’existe pas. Elle ne se fait pas entendre.

Non seulement elle avait confié, via l’OTAN, les clés de sa Défense…et par conséquent de sa politique extérieure, au président américain jusqu’à l’effondrement de l’URSS, mais elle a convaincu, depuis, les pays de l’Europe Centrale et Orientale de passer du Pacte de Varsovie au Traité de l’Atlantique Nord !

Quelle folle irresponsabilité ! Encore ces derniers jours des gouvernements européens ont donné la préférence à de l’armement américain, plutôt qu’européen.

N’ont-ils pas entendu ce que Donald Trump leur avait dit en arrivant à la Maison Blanche ? Pour lui, l’OTAN est obsolète.

Et cela peut se comprendre puisque les Etats-Unis auront fort à faire, en plus du Proche et du Moyen Orient toujours en ébullition,  avec la montée en puissance de la Chine, dont la Route de la Soie n’est qu’un habile camouflage de ses ambitions impérialistes.

Barak Obama lui-même, mais avec plus de diplomatie que son successeur, nous avait déjà prévenus que la zone Pacifique était devenue la nouvelle zone de vigilance de son pays.

Si je me réjouis évidemment des nouveaux efforts d’investissements dans l’armement européens par l’Allemagne, la France et quelques autres pays européens et de l’élaboration d’un début de Défense européenne, je ne peux que regretter que le Plan Fouchet, proposé par de Gaulle dès 1962, et accepté par Adenauer, ait été refusé par nos autres partenaires, sous influence d’outre Atlantique et de Jean Monnet.

Il aurait été également préférable, à cette époque, que l’on écoute mieux ce que de Gaulle disait sur la relation séculaire, géographique, historique et culturelle du Royaume Uni avec le continent  européen. Nous aurions, notamment,  évité cinquante cinq ans après de passer trois ans à discuter d’un accord sur le Brexit, dont nous savons maintenant qu’il ne sera même pas appliqué.

C’est pourquoi, il est indispensable, si vous croyez, comme moi, à la nécessité d’une Europe puissance, d’en revenir à ses fondations.

Après les désastres provoqués par la première guerre mondiale, Richard Coudenhove Kalergi avait tracé, il y aura bientôt un siècle, la voie à suivre. Sa première exigence pour réussir la Paneurope consistait à réaliser l’entente franco-allemande. C’était juste, c’était vrai. Mais il aura encore fallu subir les horreurs d’une nouvelle guerre pour que cette idée s’impose.

Et cet objectif, toujours prioritaire, reste la condition sine qua non de la possibilité d’une Europe puissance.

Malheureusement, cette entente s’est dégradée ces dernières années. Les torts sont partagés entre Berlin et Paris.

A nous Paneuropéens, Allemands et Français d’abord, de lui redonner de la vigueur !

En conclusion de cette intervention, permettez-moi quelques mots personnels qui vous feront mieux comprendre les racines et les raisons de mon engagement Paneuropéen et pour l’entente franco-allemande.

Militant pour le respect de la forme républicaine et démocratique des institutions françaises et  pour la doctrine sociale de l’Eglise catholique, ma famille avait soutenu, entre les deux guerres, le projet de Briand d’inspiration Paneuropéenne. Mon arrière grand-mère maternelle, née à Coblence en 1860, s’était installée à Paris avec ses parents, ainsi que plusieurs de ses cousins et cousines de la même région. Leur double culture, germanique et française, leur amour passionné pour leur pays d’accueil et ce qu’ils avaient importé du génie créatif de leur patrie d’origine avaient profondément imprégné leurs descendants.

C’est dire la blessure qu’ils ressentirent dans les années trente.

Mais, quand il fallut faire face au nouveau désastre, ma famille  fut, immédiatement,  aux avant postes de la résistance à la barbarie.

Puis, dès sa liquidation, elle reprit le chemin interrompu de l’entente franco-allemande et de l’Europe unie.

A la demande du Général de Gaulle, mon père fonda le comité français de l’Union Paneuropéenne et présenta à l’Assemblée Nationale son rapport sur le Traité de l ‘Elysée, malheureusement amoindri par un préambule qui en réduisait la symbolique.

Ma voie était tracée.

C’est pourquoi, aujourd’hui à Augsburg, je suis avec vous, en cette veille de la fête nationale française, pour vous demander de poursuivre avec moi le chemin de l’espérance européenne.

Alain Terrenoire, Président de l’Union Paneuropéenne Internationale

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